La filière Colza en Tunisie : une autre bêtise du ministère ?

Article rédigé par Zied AHMED, agroéconomiste.

Le Ministère de l’Agriculture tunisien a signé, le 15 février 2017, une convention de partenariat avec le groupe AVRIL pour le développement de la filière Colza en Tunisie.

Cette signature est venue concrétiser une première expérience de plantation de colza sur  850 ha au nord-ouest de la Tunisie. L’objectif de la convention est d’agrandir la superficie de colza cultivée à 3000 ha et surtout de développer une filière complète, de l’amont à l’aval. Ainsi, les graines de colza récoltées seront transformées en huile par CRSITAL TUNISIE (filiale du groupe AVRIL) et SANDERS TUNISIE (aussi filiale du même groupe) s’occupera de valoriser et de commercialiser les tourteaux de colza.

Le développement de cette filière permettra certainement de créer des emplois direct et indirect. Au niveau agronomique, cette culture, si elle est intégrée dans un système de rotation avec le blé (blé-blé-colza) permettrait d’améliorer les rendements des céréales. Par ailleurs, les tourteaux de colza fabriqués en Tunisie minimiseraient les charges d’alimentation des bovins et augmenteraient le rendement laitier de ces derniers. Ce sont, principalement, ces arguments qui ont incité le Ministère de l’Agriculture tunisien à introduire cette culture dans notre pays.

Cependant, il est nécessaire d’attirer l’attention de nos décideurs sur les éléments suivants :

  • Les OGM : les semences de colza seront fournies par certaines filiales du groupe AVRIL. Ces semences seront certainement génétiquement modifiées. L’impact de ces semences sur la biodiversité et la santé humaine ne semble pas inquiéter notre ministère ;
  • L’adaptation des agriculteurs : la culture de colza est techniquement très exigeante. Seuls les agriculteurs modernes et possédants les ressources nécessaires seront capables de cultiver le colza. Encore une fois, les petits exploitants, pourtant nombreux, sont exclus de cette nouvelle spéculation.
  • Les ressources en eau : cette culture nécessite entre 300 et 600 mm/an. La fluctuation de la pluviométrie poussera certainement les agriculteurs à irriguer les champs de colza et à mobiliser des ressources en eau déjà très rares.
  • Le soutien étatique la filière « colza » : si le ministère décide de soutenir cette filière (que ce soit à la production ou à la transformation), nous pourrons assister à un développement remarquable des superficies de colza au détriment des céréales. Ainsi, l’impact sur notre sécurité alimentaire et notre balance commerciale sera catastrophique.

 

2 réflexions sur “La filière Colza en Tunisie : une autre bêtise du ministère ?

  1. Salut tout le monde

    A ma connaissance, la plupart des semences de Colza et de maïs sont des semences OGM. Or tout le monde connait l’impact des OGM sur les micro-organismes du sol, sur les insectes (comme l’abeille) pollinisateurs, la santé des animaux et de l’Homme. Notre ministère et sa majesté si Amor El Behi (le parrain de ce projet selon Kapitalis, fils d’agriculteur de Zaghouan où justement le colza fut semé) a-t-il pris la peine de faire les analyses nécessaires pour déterminer le type de semences (OGM ou non) et ce, au cas où le ministère dispose de laboratoire et de personnel compétents en la matière. « Au niveau agronomique, cette culture, si elle est intégrée dans un système de rotation avec le blé (blé-blé-colza) permettrait d’améliorer les rendements des céréales »; cet argument ne me semble pas défendable car de tous les temps nos agriculteurs font recours à des légumineuses (=engrais verts) dans les systèmes de rotation, lesquelles légumineuses (sulla, fèves, févroles….) sont fixatrices d’azote atmosphérique abondant dans l’atmosphère mais facteur limitant dans les sols. Cette fixation fournit l’azote sous forme de nitrates assimilables par la plante et non pollueurs de la nappe. Par ailleurs ces légumineuses sont riches en protéines, ainsi l’Homme comme le bétail en tirent profit. Le paradoxe, c’est que le ministre a fait savoir aux agriculteurs d’arrêter (ou de s’abstenir) de cultiver certaines espèces (piment, tomate, pastèque, melon) fortement consommatrices d’eau dèjà insuffisante en tant qu’eau potable et en contre partie on introduit une espèce comme le colza non seulement plus dissipatrice d’eau mais présentant des dangers potentiels surtout s’il s’avère génétiquement modifié (ce qui est fort plausible). Juste à titre d’indication, le groupe AVRIL exploite l’huile de colza que nous arrosons avec nos eaux en tant que bio-carburant de première génération: il semble que notre ministère a eu l’embarras du choix entre remplir le réservoir de leurs voitures (les gens d’AVRIL et consorts) ou le ventre des citoyens.

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    • Bonjour Khaled,
      Merci pour votre commentaire qui approuve totalement le sens de notre article et y rajoute certainement informations.
      En ce qui concerne l’augmentation du rendement, vous avez certainement remarqué que nous avons utilisé le conditionnel : « si elle est intégrée dans un système de rotation avec le blé (blé-blé-colza) [le colza] permettrait d’améliorer les rendements des céréales ». Donc, nous sommes aussi septiques que vous quand à l’impact de cette culture sur le rendement du blé.
      Dans un rapport publié par la FAO sur les oléagineux au Maroc, on confirme cette hypothèse agronomique qui est défendue par le Ministère de l’Agriculture. Vous pouvez le consultez ici : http://www.fao.org/3/a-i3922f.pdf

      Par ailleurs, et comme nous l’avons mentionné dans l’article, nous sommes particulièrement inquiets au sujet des retombées de cette culture sur le sol, l’eau et les décisions de production des agriculteurs.

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